Cliquez ci dessus pour lire le témoignage de N, victime de violences conjugales pendant 25 ans.
Définition
Selon le site service-public.fr "l'expression violences conjugales désigne l'ensemble des violences (physiques, sexuelles, psychologiques, verbales, administrative et économiques) commises au sein du couple par le conjoint [ou ex-conjoint], le ou la partenaire de Pacs ou d'union libre. Les violences conjugales sont punies par la loi et vous devez porter plainte si vous en êtes victime. Vous pouvez aussi demander l'aide à des associations et à des organismes publics."
Les formes de violences
Le violentomètre
- Violence psychologique. C’est un ensemble de comportements, de paroles, d’actes et de gestes qui vise à porter atteinte à l’intégrité psychique ou mentale de l’autre. Ces violences s’attaquent directement à l’identité, l’estime de soi et la confiance en soi de la personne qui les subit.
- Violence verbale. La plus fréquente, elle est étroitement liée à la violence psychologique. L’auteur·e utilise sa voix comme une arme, soit par les propos tenus, soit par le ton utilisé.
- Violence physique. Tout acte entraînant des dommages corporels ou risquant d’en entraîner, que l’auteur·e use de sa propre force physique ou bien d’objets externes afin de soumettre la victime à son pouvoir. Il·Elle peut aussi ne pas porter assistance à la victime en danger, ou encore aller jusqu’à l’homicide.
- Violence sexuelle. On entend par violence sexuelle tout acte sexuel, tentative d’obtenir un acte sexuel, tout commentaire ou avance de nature sexuelle visant à imposer son propre désir à autrui, sans son consentement.
- Violence économique. Tout acte entraînant une dépendance financière/matérielle ou une précarisation de la victime, encourageant ainsi son isolement. Il arrive aussi que l’auteur·e contracte des dettes ou abuse des ressources financières de la victime.
- Violence administrative. Proche de la violence économique, elle représente tout acte de rétention administrative, privation de document ou pièce d'identité, alimentant la vulnérabilité et l'isolement de la personne victime.
- La violence sexospécifique. Chaque société établit des règles spécifiques pour ses membres selon qu’ils soient de sexe féminin ou masculin. Ces représentations et pratiques induisent une asymétrie de pouvoir entre les genres, les hommes occupant la position dominante, tant dans le domaine privé que public. On entend donc par violence sexospécifique (ou violence sexiste) tout acte perpétré contre la volonté d’une personne et résultant de sa spécificité biologique en tant qu’être sexué (féminin ou masculin).
Le cycle des violences - en 4 étapes
Le cycle de la violence conjugale tente de dégager les processus répétitifs liés à la violence entre partenaires. Ce modèle explique en partie comment la victime est amenée à rester/retourner avec l’auteur.e malgré ce qu’elle subit dans la relation.
Phase 1 : Le climat de tension
- Du côté de l’auteur.e : tensions initiées par la personne violente à travers divers signaux (silence lourd, regard menaçant, irritation, augmentation des conflits, impatience de plus en plus présente, mise en avant des erreurs…).
- Du côté de la victime: tentatives d’apaiser le climat de tension, de faire diminuer la pression. Elle doute d’elle-même et de ses capacités, elle craint de contrarier son.sa partenaire.
Phase 2 : L’explosion
- Du côté de l’auteur.e : passage à l’acte en usant de comportements violents (verbaux, physiques, psychologiques, économiques, sexuels…) avec ou sans aide d’objets afin de libérer la tension qu’il.elle ressent.
- Du côté de la victime : sentiments de peur, de honte, d’humiliation, d’injustice, de tristesse, de désespoir… Elle est désemparée.
Phase 3 : Les justifications
- Du côté de l’auteur.e : discours visant à le.la déresponsabiliser de ses actes. Il.elle se justifie de diverses manières (minimisation, renvoi vers l’extérieur – « Tu n’avais pas à… », « C’est toi qui m’as mis.e à bout », « Je suis trop sensible »…)
- Du côté de la victime : elle doute de ses propres perceptions et accepte les justifications de l’auteur.e. Elle se remet elle-même en question, se sentant responsable de la violence subie. Elle croit que si elle change de comportement, la violence cessera. Elle peut aussi vouloir aider l’auteur.e à changer.
Phase 4 : La lune de miel
- Du côté de l’auteur.e : il.elle se calme et exprime ses regrets. Il.elle fait des promesses et des cadeaux visant à se réconcilier avec la victime, ou bien il.elle tente de la culpabiliser en menaçant de se faire du mal (« Je vais aller voir un psy », « C’est la dernière fois » « Je vais me suicider si tu pars »…). Souvent, le contexte de rencontre du couple sera évoqué afin d’appuyer le lien privilégié existant entre les deux partenaires.
- Du côté de la victime : le calme retrouvé l’apaise, elle espère un changement ou que les choses redeviennent comme avant, donc elle donne une chance (supplémentaire) au.à la partenaire. Elle peut aussi le.la soutenir, ou bien changer ses propres habitudes pour répondre à ses attentes.
L'emprise
Selon Liliane Daligand, psychiatre et présidente de l'association VIFFIL, la plupart des victimes insistent sur la rencontre initiale avec un homme charmant, attentionné, séduisant. Cette phase de séduction permet l’attachement piégeant les victimes dans la relation. Peu à peu, les violences prennent une place centrale dans l’espace intime. L’isolement se fait progressivement, avec la volonté d’un lien exclusif, d’un contrôle insidieux, s’accompagnant de la négation de l’autonomie, l’interdiction et/ou la surveillance des contacts avec les proches, la limitation des échanges, la surveillance des allées et venues pouvant aller jusqu’à l’enfermement, la limitation de l’accès au travail, aux études, au compte bancaire, le contrôle de l’information. Un événement peut faire basculer la relation : l’annonce d’une grossesse, un emménagement, un mariage, la naissance d’un premier enfant.
Le rapport devient totalement inégal entre victime et agresseur. La domination s’installe, la victime est considérée comme propriété du conjoint violent. Elle est mise en dépendance, en appartenance, elle doit s’adapter, se conformer aux besoins de l’auteur, à ses injonctions. Le contrôle coercitif se fait par les intimidations, les violences, la terreur avec le vécu constant d’insécurité et la peur d’être tuée.
https://doi.org/10.3917/jdsam.213..0049
Pour approfondir: https://sosviolenceconjugale.ca/fr/articles/comme-une-cage-de-verre-emprise-et-controle-coercitif-en-violence-conjugale
Les chiffres des violences conjugales en France
Sources : Ministère de l'Intérieur (octobre 2024), Observatoire national des violences faites aux femmes (novembre 2024), Fédération Nationale Solidarité Femmes (2024), Étude "Cadre de vie et sécurité" Insee-ONDRP
Une réalité qui nous concerne toutes et tous
En France en 2024, 272 400 victimes de violences conjugales ont été enregistrées par les services de police et de gendarmerie. Ce chiffre reste dramatiquement élevé : il a doublé entre 2016 et 2023 dans un contexte de libération de la parole, avant de se stabiliser en 2024.
Mais la réalité est bien plus grave : seule 1 victime sur 6 porte plainte. Cela signifie qu'en réalité, plus d'1,6 million de personnes subissent des violences conjugales chaque année en France. C'est l'équivalent de la population de Lyon, Marseille et Nice réunies.
Qui sont les victimes ? Qui sont les auteurs ?
84% des victimes enregistrées sont des femmes, dont 73% ont entre 20 et 45 ans. 85% des auteurs sont des hommes. Les violences conjugales touchent tous les milieux sociaux, toutes les origines, tous les âges.
Parmi les violences enregistrées en 2024 :
- 64% sont des violences physiques (coups, strangulation, séquestration...)
- 31% sont des violences verbales ou psychologiques (humiliations, contrôle, menaces, isolement...)
- 5% sont des violences sexuelles (viols conjugaux, agressions...)
Ces catégories se superposent souvent : 8 femmes victimes sur 10 déclarent subir à la fois des violences physiques ET psychologiques.
Un féminicide tous les 3 jours
En 2024, 107 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, soit une hausse tragique de 11% par rapport à 2023. Au total, 134 personnes sont mortes à la suite d'une agression de leur partenaire ou ex-partenaire. Cela représente un décès tous les trois jours.
Le chiffre le plus glaçant : près de 47% des femmes tuées étaient victimes de violences antérieures connues. Parmi ces 50 femmes, 37 avaient signalé ces violences aux autorités, mais seules 4 ont bénéficié d'un dispositif de protection. Ce chiffre révèle les failles du système de protection et l'urgence d'améliorer l'accompagnement des victimes.
Les violences sexuelles : une réalité massive et silencieuse
Chaque année en France, environ 94 000 femmes âgées de 18 à 75 ans sont victimes de viols ou tentatives de viol. Dans 91% des cas, l'agresseur est une personne connue de la victime. Dans 47% des cas, c'est le conjoint ou l'ex-conjoint qui commet ces actes.
Pourtant, seules 12% des victimes portent plainte. Les raisons sont multiples : peur des représailles, honte, culpabilité, manque de confiance envers les institutions, méconnaissance de leurs droits. Le viol conjugal reste l'une des violences les plus taboues et les moins dénoncées.
Les enfants, victimes invisibles des violences conjugales
75% des femmes qui appellent le 3919 ont des enfants. Ces enfants sont toujours impactés par les violences conjugales :
- 98% subissent des violences indirectes (être témoin de violences, vivre dans un climat de terreur, subir les tensions...)
- 49% subissent des violences directes (coups, insultes, agressions sexuelles...)
Ces enfants sont des co-victimes : ils développent fréquemment des troubles anxieux, des difficultés scolaires, des troubles du comportement. Ils risquent aussi de reproduire ce schéma de violence à l'âge adulte s'ils ne sont pas accompagnés.
Face à ces chiffres, agir est urgent
Les violences conjugales ne sont pas une fatalité. Des solutions existent pour accompagner les personnes victimes vers la reconstruction et la sortie des violences. Si vous êtes concernée, vous n'êtes pas seule. Nous sommes là.